Solution
Le recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie relève de la seule compétence du Premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle ces opérations ont été autorisées.
Impact
En alignant la procédure du recours contre les opérations de visite ou de saisie sur celle de l’appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention les ayant autorisées, la chambre commerciale répond avec cohérence au regard des procédures similaires et met fin à l’incertitude née d’une carence du Code des douanes.
Cass. com., 27 nov. 2024, n° 23-18.850, FS-B : JurisData n° 2024-022297
[…] 6. Selon l’article 64 du Code des douanes, le premier président de la cour d’appel connaît des recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure.
7. Il en résulte que le recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie, autorisées sur le fondement de ce texte, relève de la seule compétence du premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle ces opérations ont été autorisées, peu important que le déroulement de ces opérations ait eu lieu dans un autre ressort et que le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel a été effectuée la visite ait été commis pour la contrôler.
8. Le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé […].
NOTE : Vrais jumeaux – Faux jumeaux
Le code de publication ne trompe pas et c’est peu dire que la question tranchée par cet arrêt de Section de la chambre commerciale aura un écho d’importance dans la famille des praticiens du contentieux douanier et fiscal ou de la concurrence, tous familiers de ces très spéciales procédures. Procédures aux confins des procédures pénales, civiles, fiscales et commerciales, que la Cour européenne des droits de l’homme considère toutefois comme relevant du contentieux civil s’agissant, comme en l’espèce, de visites domiciliaires et de saisies et du droit au respect du domicile. Procédures qui débutent devant le juge des libertés et de la détention, se poursuivent devant le Premier président de la cour d’appel et se terminent, parfois donc, devant la chambre commerciale de la Cour de cassation. Procédures issues d’une gémellité quasi parfaite, avec un article 64 du Code des douanes qui est le pendant de l’article L. 16 B du LPF, deux articles d’une longueur interminable, si précis qu’ils disent tout de la procédure applicable. Presque tout.
Le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Créteil avait autorisé des agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières à procéder à des visites et saisies dans les locaux et véhicules d’une société, situés dans le département de l’Isère, afin de rechercher la preuve de la commission par elle du délit douanier de tentative d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées, prévu et réprimé par les articles 38, 409, 414 et 428 du Code des douanes. Le juge des libertés et de la détention de Créteil avait délivré une commission rogatoire au Juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vienne, dans le ressort de la cour d’appel de Grenoble, pour contrôler les visites et saisies à effectuer dans le ressort de cette juridiction. La société a alors formé un recours contre le déroulement de ces opérations devant le Premier président de la cour d’appel de Grenoble, lequel retint son incompétence. La société demanderesse au pourvoi reprochait au Premier président d’avoir retenu l’exception de procédure alors « que le recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, autorisées sur le fondement de l’article 64 du Code des douanes, recours distinct de celui également ouvert contre l’ordonnance qui a autorisé la visite, relève de la compétence directe du premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle ces opérations se sont déroulées ». L’article 64 du Code des douanes, visé par le présent arrêt, débute en posant le but poursuivi : « pour la recherche et la constatation des délits douaniers, visés aux articles 414 à 429 et 459, les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites en tous lieux, même privés, où les marchandises et documents se rapportant à ces délits ainsi que les biens et avoirs en provenant directement ou indirectement sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles. Ils sont accompagnés d’un officier de police judiciaire ou d’un agent des douanes habilité en application de l’article 28-1 du Code de procédure pénale. Les agents des douanes habilités peuvent procéder, à l’occasion de la visite, à la saisie des marchandises et des documents, quel qu’en soit le support, se rapportant aux délits précités. Si, à l’occasion d’une visite autorisée en application du 2 du présent article, les agents habilités découvrent des biens et avoirs provenant directement ou indirectement des délits précités, ils peuvent procéder à leur saisie après en avoir informé par tout moyen le juge qui a pris l’ordonnance et qui peut s’y opposer ».Il détaille une foultitude de choses, dont les mentions de l’ordonnance et le déroulement des opérations. S’agissant des contestations possibles, il prévoit qu’un appel peut être exercé contre l’ordonnance elle-même, mais aussi, comme au cas présent, qu’un recours peut être conduit contre le déroulement des opérations de visite et de saisies autorisées par ladite ordonnance. En cette matière technique, mais sans représentation obligatoire, l’article 64 livre même la procédure à suivre : « suivant les règles prévues par le Code de procédure civile, ce recours doit être exclusivement formé par déclaration remise ou adressée, par pli recommandé ou, à compter du 1er janvier 2009, par voie électronique, au greffe de la cour dans un délai de quinze jours. Ce délai court à compter de la remise ou de la réception soit du procès-verbal, soit de l’inventaire. Ce recours n’est pas suspensif », formulation identique pour l’appel contre l’ordonnance, avec un point de départ distinct pouvant être lié à sa signification.
Première difficulté, vite levée, si deux contestations sont possibles, l’une de l’ordonnance visant à remettre en cause le principe même des opérations, l’autre celui du déroulement des opérations de visite et de saisies, le texte vise bien une déclaration d’appel contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention et un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie avec une procédure identique devant le Premier président. Un appel, un recours. Second problème, si l’appel de l’ordonnance du juge de la liberté et de la détention doit être formé dans le ressort de compétence de la cour d’appel dans laquelle sa juridiction est établie, qu’en est-il des opérations de visite et de saisie qui se déroulent, souvent, dans d’autres ressorts ? L’article 64 du Code des douanes mentionne que le délai et la voie de recours sont mentionnés dans l’ordonnance elle-même, et identiquement dans le procès-verbal et l’inventaire rédigés à l’issue des opérations, mais quelle juridiction du Premier président doit alors être indiquée pour la voie de recours en cas d’opérations se déroulant dans plusieurs ressorts ? La société peut en effet avoir des établissements ou centres d’activités dans des ressorts distincts, les opérations pouvant même se dérouler dans des lieux privés.
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PROCÉDURES – N° 02 – FÉVRIER 2025 – © LEXISNEXIS SA