Principe de contradiction. Absence d’une partie à l’audience et relevé d’office
Solution
Si une partie a été dispensée de comparaître par la juridiction, celle-ci ne peut relever d’office un moyen de droit sans qu’elle ait été au préalable invitée à formuler ses observations.
Impact
En procédure orale, il ne peut être présumé qu’un moyen relevé d’office par le juge a été débattu contradictoirement dès lors qu’une partie n’était pas présente à l’audience.
Cass. 2e civ., 24 oct. 2024, n° 22-15.908, FP-B : JurisData n° 2024-018847
[…]
Vu l’article 16 du Code de procédure civile :
7. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
8. En procédure orale, il ne peut être présumé qu’un moyen relevé d’office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu’une partie n’était pas présente à l’audience.
9. Pour déclarer irrecevable la demande tendant à l’attribution d’une pension d’invalidité à la date du 30 juin 2020, l’arrêt constate que l’assurée n’a pas soumis cette demande préalablement à la
caisse.
10. En statuant ainsi, alors que l’assurée, dispensée de comparaître, n’était pas présente à l’audience et qu’il ne ressort pas de la décision qu’elle ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité de sa demande, la Cour nationale a violé le texte susvisé. […].
NOTE : D’un moyen…
Oralité oblige, les contentieux sans représentation obligatoire contraignent les parties à reprendre verbalement leurs conclusions devant le juge pour valablement le saisir. Faiblesse de l’oral sur l’écrit, la recevabilité des demandes présuppose une présence des parties ou de leurs avocats à l’audience, pas des effets de manche. Ainsi, ceux-ci peuvent se contenter d’un très sobre « je m’en rapporte à mes conclusions » ou, moins narcissique, plus flatteur et un peu optimiste, « je m’en rapporte à la sagesse de la Cour ». La 2 e chambre civile juge en effet, au visa de l’article 446-1, alinéa 1 er , du CPC qui régit la procédure orale et précise que si les parties doivent présenter oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien et peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit, « en l’absence de formalisme particulier pour se référer à des écritures, satisfait aux prévisions de ce texte, la partie qui, hors le cas d’un refus opposé par le tribunal, dépose un dossier comportant ses écritures au cours d’une audience des débats à laquelle elle est présente ou représentée » (Cass. 2 e civ., 1 er juill. 2021, n° 20-12.303, F-B : JurisData n° 2021-010513 ; Procédures 2021, comm. 245, obs. S. Amrani-Mekki). L’écrit prend le pas sur l’oralité, et, même à l’oral, le dépôt de dossier n’est plus le dépôt des armes. La juridiction, insistante, pourra toujours solliciter des explications auprès des parties ou de leurs avocats qui doivent comparaître, mais, procédure orale ou non, un grand principe devra toujours guider le juge dans sa prise de déci-sion, celui du contradictoire.
Principe de contradiction. Absence d’une partie à l’audience et moyen de droit soulevé par une partie
Solution
En procédure orale, le juge peut retenir la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel invoquée par une partie si la partie adverse, régulièrement convoquée, ne s’est pas présentée.
Impact
Si dans la procédure sans représentation obligatoire le juge ne peut relever d’office un moyen sur lequel il fonde sa décision en l’absence d’une partie à l’audience, il peut, sans méconnaître le principe de la contradiction, statuer sur le moyen de droit présenté par son adversaire.
Cass. 2e civ., 24 oct. 2024, n° 22-18.471, FP-B : JurisData n° 2024-018846
[…]
7. Selon l’article 16 du Code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
8. M. [E], ayant été régulièrement convoqué, et ainsi mis en mesure de débattre contradictoirement des moyens qui pouvaient être soulevés à l’audience, c’est sans méconnaître le principe de la contradiction que le premier président, après avoir énoncé que le défendeur, comparant à l’audience, concluait à l’irrecevabilité de la saisine, a constaté le caractère tardif de celle-ci.
9. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé […].
NOTE : …L’autre.
Voilà la réponse, en écho, de cet « autre » arrêt également rendu le 24 octobre 2024 par la formation plénière de la 2e chambre civile de la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 24 oct. 2024, n° 22-15.908, FP-B : JurisData n° 2024-018847) : si en procédure orale, le juge, pour fonder sa décision, ne peut relever d’office un moyen de droit sans s’assurer que les parties ont été à même d’en débattre contradictoirement et sans les inviter au préalable à présenter leurs observations, il en va différemment lorsqu’il retient le moyen de droit d’une partie, quand bien même l’autre ne comparaît pas.
En l’absence de décision du bâtonnier dans le délai de 4 mois, un demandeur en contestation d’honoraires avait usé de la faculté de saisir le Premier président de la cour d’appel par application des articles 175 et 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Le Premier président de la cour de Poitiers n’avait pu que constater que l’appelant était absent à l’audience et avait retenu que sa saisine était tardive puisque la contestation avait été reçue par le bâtonnier le 17 octobre 2018 tandis que l’appel avait été formalisé le 10 décembre 2020, soit au-delà du délai d’un mois suivant la date d’expiration du délai de 4 mois dont disposait le bâtonnier pour rendre sa décision. N’était pas ici en débat la question, si souvent débattue, de l’information aux parties du point de départ du délai pour relever appel en l’absence de décision dans le délai de 4 mois, mais bien de la faculté pour le Premier président, dans cette procédure orale, de constater la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l’appel. On sait en effet qu’en toute matière, avec ou sans représentation obligatoire (l’article 16 relevant des dispositions communes du Code de procédure civile), le juge « ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».Dans la procédure orale de contestation d’honoraires d’un avocat, au visa de l’article 16 du CPC, la 2e chambre civile avait déjà pu juger, pour censurer la décision d’un Premier président qui avait retenu d’office un moyen de droit et jugé n’y avoir lieu à arbitrer, qu’« en statuant ainsi, alors que M. R. n’était pas présent à l’audience et qu’il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d’office, pris de la caducité de la convention d’honoraires, la juridiction du premier président a violé le texte susvisé » (Cass. 2e civ., 22 oct. 2020, n° 19-15.985, FS-P+B+I : JurisData n° 2020-016799 ; Dalloz actualité, 17 nov. 2020, obs. C. Caseau-Roche). Or, si le point commun entre cette décision de 2022 rendu en matière d’honoraires et celle, du même jour, qui a vu l’arrêt de la CNITAAT également cassé (Cass. 2e civ., 24 oct. 2024, n° 22-15.908, FP-B : JurisData n° 2024-018847) est l’absence d’une partie à une audience sans représentation obligatoire à laquelle est relevée d’office une irrecevabilité, cette décision en commentaire, du 24 octobre 2024 également, illustre la mise en application d’un moyen de droit toujours en l’absence d’une partie, non plus d’office mais à l’initiative d’une partie. Là est toute la différence, le Premier président avait retenu le moyen de droit de l’intimé, défendeur à la contestation et présent à l’audience, pas le sien ! Il n’avait donc pas à rouvrir les débats ou à solliciter les observations des parties. Au sens de l’alinéa 2 de l’article 16, il avait pu s’assurer que les parties avaient pu débattre contradictoirement du moyen tiré de la tardiveté de l’appel, sans doute sur justification de la bonne communication des conclusions soulevant la fin de non-recevoir. Le contradictoire était donc respecté puisque l’appelante avait eu la possibilité de répondre à cette irrecevabilité qui lui avait été opposée, par écrit, ou a minima oralement dans cette procédure orale. Mais dans ce cas, encore fallait-il comparaître. Une exception cependant : la partie qui a comparu ou a été représentée à la première audience n’est pas obligée de se présenter à l’audience à laquelle l’affaire estrenvoyée ! Dans ce cas-là, la Cour demeure saisie des écritures sur lesquelles elle doit statuer (Cass. 2 e civ., 3 févr. 2022, n° 20-18.715, F-B : JurisData n° 2022-001206 ; Procédures 2022, comm. 85, obs. S. Amrani Mekki ; Dalloz actualité, 1 er mars 2022, obs. C. Lhermitte).
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