Solution
L’appelant qui a déjà conclu au fond avant l’ordonnance du conseiller de la mise en état prononçant l’irrecevabilité de la déclaration d’appel n’est pas tenu de conclure de nouveau après le prononcé de l’arrêt rendu sur déféré qui infirme cette décision.
Impact
Sous un angle nouveau, la Cour de cassation affine sa jurisprudence selon laquelle si l’appelant n’a pas conclu avant l’ordonnance du conseiller de la mise en état mettant fin à l’audience d’appel et ayant acquis autorité de chose jugée, l’arrêt sur déféré de la cour d’appel qui l’infirme ne peut que faire courir un nouveau délai pour conclure.
Cass. 2e civ., 13 févr. 2025, n° 23-17.606 et 23-19.136, F-B : JurisData n° 2025-001392
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9. Aux termes de l’article 908 du Code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour conclure.
10. Selon l’article 914, dernier alinéa, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 ont autorité de la chose jugée au principal.
11. Selon l’article 916, alinéa 2, du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, les ordonnances du conseiller de la mise en état peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu’elles ont pour effet, notamment, de mettre fin à l’instance.
12. Lorsque l’appelant n’a pas encore conclu au jour où le conseiller de la mise en état prononce l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, la Cour de cassation juge que l’ordonnance de ce conseiller, revêtue dès son prononcé de l’autorité de la chose jugée, a immédiatement mis fin à l’instance d’appel, de sorte que l’arrêt infirmatif de la cour d’appel, rendu à l’issue d’une procédure de déféré dénuée d’effet suspensif, s’il a anéanti l’ordonnance infirmée, n’a pu, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique découlant de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que faire à nouveau courir le délai pour conclure de l’article 908 du Code de procédure civile, qui avait pris fin avec l’ordonnance déférée (2e Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-23.631, publié).
13. Toutefois, si l’appelant a déjà conclu avant la décision du conseiller de la mise en état prononçant l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, il n’est pas tenu de conclure de nouveau après le prononcé de l’arrêt qui, à l’issue d’une procédure de déféré, infirme cette décision.
14. Ayant relevé que la société Allianz IARD avait déposé ses conclusions au fond moins de trois mois après la date de sa déclaration d’appel et que la société Prudence créole avait également déposé ses conclusions d’appel incident dans le délai imparti, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que ces écritures n’avaient pas à être renouvelées dans le délai de trois mois suivant le prononcé des arrêts, statuant sur déféré, ayant déclaré leurs appels respectifs recevables.
15. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.
[…].
NOTE : Mise en perspective
Si l’arrêt de la deuxième chambre civile vise les dispositions des articles 908, 914 dernier alinéa et 916, alinéa 2 du Code de procédure civile dans leur rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la solution qu’il dégage est transposable aux situations nées d’appels postérieurs audit décret qui a modifié ces mêmes articles, et même depuis la numération nouvelle issue du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023. Avec ce dernier décret, si l’article 908 reste l’article 908, les dispositions essentielles des articles 914 et 916 sont reprises, pour les appels introduits à compter du 1er septembre 2024, respectivement aux articles 913-5 et 913-8 du Code de procédure civile. Mais l’article 913-5 du CPC, qui précise certains des pouvoirs du conseiller de la mise en état anciennement mentionnés à l’article 789 du même code et définit sa compétence notamment en matière de sanctions, ne reprend pas le dernier alinéa de l’article 914, visé par cet arrêt, sur l’autorité la chose jugée au principal de ses ordonnances. Pour cela, il faut se rendre à l’article 913-6 du CPC qui consacre, seul, cette autorité lorsqu’il statue sur une exception de procédure relative à la procédure d’appel, la recevabilité des interventions en appel (ce qui est nouveau, contesté déjà et contestable), un incident mettant fin à l’instance d’appel, la recevabilité de l’appel, la caducité de la déclaration d’appel, l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1. Quant au déféré prévu à l’article 916 ancien, l’article 913-8 reprend les conditions, avec une réécriture nettement améliorée qui inclut donc les interventions en appel. La numérotation est bouleversée, pas la compréhension de textes bien mieux rédigés.
Mise en lumière
D’une procédure complexe opposant de nombreuses parties, l’on dira que la société Dindar, appelante, avait introduit un pourvoi contre des arrêts du 15 septembre 2021 et du 21 avril 2023 rendus par la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, que la compagnie d’assurances Allianz IARD avait de son côté engagé un pourvoi contre ce dernier arrêt tandis que la société Prudence Créole avait formé un pourvoi incident, pourvois joints en raison de leur connexité.
La société Dindar invoquait deux moyens, et si c’est le second classiquement lié à la violation de l’article 16 par le juge d’appel qui avait relevé un moyen d’office sans inviter les parties à présenter leurs observations qui conduisit à la cassation, c’est le premier, écarté, qui retient l’attention. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir accueilli les déférés formés par l’assureur et la société Prudence Créole et d’infirmer l’ordonnance de son conseiller de la mise en état qui avait jugé caduques les déclarations d’appel de ces sociétés.
Pour la demanderesse au pourvoi, l’ordonnance du conseiller de la mise en état, qui avait prononcé l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, était revêtue dès son prononcé de l’autorité de la chose jugée, mettant ainsi immédiatement fin à l’instance d’appel, le déféré n’étant pas suspensif.
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PROCÉDURES – N° 03 – AVRIL 2025 – © LEXISNEXIS SA