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Mourir à l’instance n’est pas sans danger. Comment éviter les pièges procéduraux ?

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Publié le 18.12.2023

Contexte

Si le temps du procès est censé garantir aux justiciables « célérité et qualité de la justice » (Rapp. au garde des Sceaux, min. Justice : Doc. fr., 2004) c’est sans compter sur les « temps-morts » qui peuvent retarder voire compromettre, parfois fatalement, l’issue de l’instance civile.

La situation juridique qui existe entre les parties depuis le moment où la demande en justice est formée jusqu’au prononcé du jugement peut être marquée d’incidents ou évènements affectant la capacité et le pouvoir d’agir de la personne physique.

Ainsi, la dénonce du décès d’une partie provoque l’interruption de l’instance (JCl. Procédure civile, fasc. 800-20 : Interruption d’instance, par N. Fricero). Les parties ne sont plus en mesure d’effectuer de diligences propres à faire avancer l’affaire tant que l’instance n’est pas reprise et seul le bénéficiaire de l’interruption pourra se prévaloir du caractère non avenu des actes passés pendant l’interruption de l’instance.

Le mécanisme procédural de l’interruption de l’instance protège donc les droits de la partie qui n’est plus en situation d’agir.

Envisagée au chapitre II du titre XI du Code de procédure civile – intitulé « Les incidents d’instance » – l’interruption de l’instance est insérée dans la partie des dispositions communes à toutes les juridictions (livre premier) et notamment à la Cour de cassation (H. Nico, Les conséquences du décès d’une partie, personne physique, sur la procédure applicable devant les chambres civiles de la Cour de cassation : Justice 2005, p. 214).

Les articles 369 à 376 du Code de procédure civile posent les conditions et les effets de l’interruption de l’instance en cas de décès ; cependant, il est des cas où le décès intervient aux abords de l’instance faisant obstacle à son interruption.

La temporalité du décès influe sur l’instance sans nécessairement l’interrompre. Selon la célèbre maxime de Jules Jouy « avant l’heure, c’est pas l’heure ; après l’heure, c’est plus l’heure » (1855-1897).

Y a-t-il un temps pour mourir ?

En procédure civile, il est certain que mieux vaut mourir au cœur de l’instance (B) plutôt qu’aux confins (A) si l’on aspire à la résurrection de l’action par la reprise de l’instance (C).

Éléments clés

A. Décès aux confins de l’instance

Il existe certaines situations où le décès est ignoré des parties ou dénoncé trop tard. Quelle est la valeur des actes accomplis ? Comment cet évènement peut-il impacter la procédure sans pour autant interrompre l’instance ?

Effets du décès au moment de la formation de l’instance 

L’assignation délivrée au nom d’une personne décédée est frappée d’une irrégularité de fond que ne peut couvrir la reprise de l’instance par les héritiers (Cass. 3e civ., 5 oct. 2017, n° 16-21.499 : JurisData n° 2017-019367. – Cass. 2e civ., 18 oct. 2018, n° 17-19.249, FS-P+B : JurisData n° 2018-018099). Dès lors cet acte, ainsi que la procédure subséquente, doivent être annulés pour défaut de capacité d’ester en justice (CPC, art. 117. – Cass. 2e civ., 13 janv. 1993, n° 91-17.175 : JurisData n° 1993-000013).

L’acte d’appel formé par ou contre un plaideur décédé est également entaché d’une irrégularité de fond.

À noter : Cette qualification juridique présente un intérêt majeur. Alors que la nullité de fond ne pourra pas être valablement couverte en cas de décès, la partie désireuse de poursuivre l’instance engagée par le défunt, pourra se prévaloir des dispositions de l’article 2241 du Code civil et réitérer son acte au motif que la demande en justice interrompt le délai de prescription ou de forclusion, même lorsque « l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure » (Cass. 2e civ., 7 juin 2018, n° 17-16.661, P+B : JurisData n° 2018-009599 ; JCP G 2018, act. 729, obs. N. Gerbay ; Dalloz actualité, 6 juill. 2018, obs. R. Laffly).

La demande en justice formée par une personne décédée est certes nulle mais interruptive de prescription et de forclusion. En conséquence, un nouvel acte pourra être formé au nom des successeurs, sans risque de forclusion.

Devant la Cour de cassation, les effets du décès varient selon que cet évènement affecte le demandeur ou le défendeur.

La recevabilité d’un pourvoi en cassation s’apprécie au regard de la nature de la décision attaquée, des personnes qui peuvent former un pourvoi ou y défendre qui doivent avoir capacité et intérêt à agir.

Le recours en cassation formé au nom d’une personne décédée est nul et doit être déclaré irrecevable (Cass. 3e civ., 29 janv. 2003, n° 01-03.707, FS-P+B : JurisData n° 2003-017492 ; Bull. civ. III, n° 24).

Qu’en est-il du décès du défendeur au pourvoi ? Le pourvoi dirigé contre une personne décédée est en principe irrecevable (Cass. 2e civ., 19 mai 1980, n° 78-15.726 : Bull. civ. II, n° 114) Cependant, il est réputé dirigé contre la succession dès lors qu’il n’est pas établi que le demandeur avait connaissance du décès (Cass. 2e civ., 27 sept. 2018, n° 17-24.641, F-D : Procédures 2018, comm. 365, H. Croze). Autrement dit, en l’absence de connaissance du décès le pourvoi dirigé contre une partie décédée est réputé régulièrement formé.

À l’inverse, le demandeur qui a eu connaissance du décès d’une partie doit diriger son pourvoi contre sa succession (Cass. 1re civ., 29 nov. 2017, n° 17-10.191, F-D : JurisData n° 2017-024562 ; Procédures 2018, comm. 36, H. Croze).

II° Effets du décès entre deux instances

Le décès d’une partie peut survenir entre deux instances, précisément pendant le délai de recours soit après la notification de la décision. Il faut apprécier la situation distinctement selon que le décès affecte le destinataire de l’acte ou l’auteur de la notification.

L’article 532 du Code de procédure civile, applicable à tous les délais de recours y compris au délai de pourvoi, dispose que « le délai est interrompu par le décès de la partie à laquelle le jugement avait été notifié. Il court en vertu d’une notification faite au domicile du défunt et à compter de l’expiration des délais pour faire inventaire et délibérer si cette nouvelle notification a eu lieu avant que ces délais fussent expirés. Cette notification peut être faite aux héritiers et représentants, collectivement et sans désignation de noms et qualités ».

La survenance de l’évènement pendant le délai de recours provoque à elle seule son interruption. Le délai ne recommencera à courir qu’en vertu d’une nouvelle signification (Cass. 3e civ., 16 nov. 1988, n° 87-10.015 : JCP G 1989, IV, 22).

À l’inverse le décès de l’auteur de la notification n’interrompt pas le délai de recours conformément aux dispositions de l’article 533 qui précisent que « le recours peut être notifié au domicile du défunt, à ses héritiers et représentants, collectivement et sans désignation de noms et qualités. Un jugement ne peut toutefois être requis contre les héritiers et représentants que si chacun a été cité à comparaître ».

L’interruption du délai de recours ne s’applique pas aux héritiers de l’auteur de la notification.

III° Effets du décès en fin d’instance

Si le temps de l’instance s’étire jusqu’au jugement, le cours de l’instance se fige au moment de l’ouverture des débats. Il n’est plus temps de mourir !

Par conséquent, lorsque le décès est notifié après l’ouverture des débats il n’a pas d’incidence sur l’instance et une décision peut être rendue à l’égard d’une partie décédée (Cass. 3e civ., 28 sept. 2005, n° 04-16.183 : JurisData n° 2005-029914).

Si par exemple le décès survient en cours de délibéré, le délai d’appel ouvert aux héritiers, ne court qu’à compter de la notification qui leur est faite du jugement (Cass. 2e civ., 18 oct. 2018, n° 17-19.249 : JurisData n° 2018-018099. – Cass. 2e civ., 22 oct. 2020, n° 19-18.671, P+B+I : JurisData n° 2020-016743).

Autrement dit, ce n’est que lorsque l’instance est active, jusqu’à l’ouverture des débats, que la notification du décès produit un effet interruptif.

B. – Décès au cœur de l’instance

Mourir à l’instance provoque soit l’extinction accessoire de l’instance lorsque l’action ne peut être transmise (CPC, art. 384) soit son interruption dans le cas où l’action est transmissible. L’article 724 du Code civil dispose que « les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ». Pour autant la reprise de l’instance n’opère pas de plein droit. Elle suppose un acte de procédure volontaire ou forcé.

Une action transmissible peut être poursuivie ou reprise par les ayants droit du défunt. Le plus souvent il s’agit d’actions qui mettent en œuvre des droits patrimoniaux. La loi permet donc la transmission aux héritiers des droits et actions du défunt, sauf ceux attachés à sa personne. Il a été jugé que le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers (Cass. 1re civ., 31 mars 2016, n° 15-10.748, F-P+B : JurisData n° 2016-005782).

En revanche en raison du décès de l’un des époux, l’action en divorce ne pourra que s’éteindre (Cass. 1re civ., 21 nov. 2006, n° 05-19.015 : JurisData n° 2006-036022).

Question pratique selon le moment du décès : veuve (euf) ou divorcée (é) ? Par arrêt une cour d’appel prononce le divorce des époux et condamne le mari à une prestation compensatoire. Madame se pourvoit en cassation alors que son mari décède : l’instance en divorce s’est trouvée éteinte par le décès intervenu avant que la décision de divorce ait acquis force de chose jugée (C. civ., art. 227 et 260). Dans ce cas Madame sera veuve donc successible (Cass. 1re civ., 15 mars 2023, n° 21-17.033, F-D). Si certains évènements interrompent l’instance dès leur survenance (CPC, art. 369), d’autres comme le décès, doivent faire l’objet d’une notification à l’adversaire pour produire un effet interruptif.

Comment bénéficier de l’interruption de l’instance ?

L’article 370, alinéa 1er dispose qu’ : « à compter de la notification qui en est faite à l’autre partie, l’instance est interrompue par le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible » (Cass. 2e civ., 27 juin 2002, n° 00-22.694, FS-P+B : JurisData n° 2002-014969 ; D. 2003, p. 1402, obs. G. Taormina. – Cass. 1re civ., 4 févr. 1981, n° 78-13.284 : JurisData n° 1981-700488).

a) Notification formelle du décès

La notification du décès n’est soumise à aucune exigence ad probationem et n’impose pas de produire l’acte de décès, cependant la régularité de la notification conditionne l’efficacité même de l’acte.

La notification peut revêtir la forme d’une « signification », c’est-à-dire être faite par acte de commissaire de justice (CPC, art. 651, al. 2). Elle peut aussi théoriquement être faite en la forme ordinaire par la voie postale, notamment par lettre recommandée, mais surtout elle est assurée par voie électronique dans les matières où la représentation est obligatoire (CPC, art. 930-1, pour les cours d’appel. – Et CPC, art. 796-1, pour les TGI à compter du 1er septembre 2019).

Autrement dit, ne constitue pas une notification valablement faite à la partie la simple lettre, par laquelle « l’avoué » de la partie décédée avise « l’avoué » de l’adversaire du décès de son client. Cet acte ne constituant pas une notification n’a pas eu pour effet d’interrompre l’instance (Cass. 2e civ., 19 déc. 2002, n° 00-14.361 : JurisData n° 2002-017017). Replacée dans son contexte cette jurisprudence vise le cas d’un acte remis d’avoué à avoué sans formalisme particulier de notification.

En outre, ni la radiation, ordonnée par le juge de la mise en état, ni la lettre adressée au syndic, où le décès n’est évoqué que de manière incidente, ne sauraient constituer une notification valable (Cass. 2e civ., 15 nov. 2007, n° 06-13.246 : JurisData n° 2007-041373).

Qui notifie le décès ? – La notification du décès d’une partie en cours d’instance, au sens des articles 370 et 392 du Code de procédure civile, ne peut entraîner l’interruption de l’instance que si elle émane des héritiers de la partie décédée qui entendent se prévaloir de cette interruption (Cass. 3e civ., 6 juill. 2023, n° 20-16.230, F-D : JurisData n° 2023-011351).

  • Première observation pratique : c’est la jurisprudence qui a posé la condition de l’auteur de la dénonce. Il est en effet logique que la dénonce soit provoquée par la partie qui bénéficie de la protection de l’interruption de l’instance. Or, dans la pratique il peut arriver qu’un adversaire soit en mesure de se procurer l’acte de décès d’une partie à l’instance et d’en faire la dénonce. Dans ce cas, cette dénonce produira-t-elle l’interruption de l’instance ? la jurisprudence semble répondre par la négative. Il est donc conseillé de vérifier que l’instance a été valablement interrompue au risque de voir remis en cause ultérieurement les effets de l’interruption et de croire interrompu un délai (ex de péremption) qui ne l’était pas.
  • Deuxième observation pratique : L’avocat de la partie décédée en cours d’instance est-il habilité à dénoncer le décès par un acte de procédure alors que son mandant n’existe plus ? Cet acte n’est-il pas intrinsèquement nul dès lors que le mandat s’éteint par le décès du mandant ? Force est de constater que les praticiens attribuent au mandat un effet posthume protecteur des intérêts du défunt et de ses héritiers.

 

À noter qu’en l’absence de notification, dans l’hypothèse d’une action transmissible, l’instance se poursuit normalement et les actes de procédure accomplis produisent pleinement leurs effets (Cass. 3e civ., 7 déc. 2017, n° 16-11.420).

b) Moment de la notification du décès

L’article 371 du CPC dispose qu’« en aucun cas l’instance n’est interrompue si l’événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats ». L’ouverture des débats est, en droit, le moment où, à l’audience de plaidoiries, la parole est donnée au demandeur (TI Nancy, 11 août 1983 : Gaz. Pal. 1983, somm. p. 425 ; RTD civ. 1984, p. 164, obs. R. Perrot. – Cass. com., 3 avr. 2019, n° 17-27.529, F-P+B : JurisData n° 2019-004967 ; JCP G 2019, alerte 143, K. Salhi. – Cass. 2e civ., 16 mai 2019, n° 18-14.681, F-D).

Autrement dit, si le décès d’une partie est notifié après l’ouverture des débats, la décision doit être rendue à l’égard de cette partie (Cass. 2e civ., 19 mai 1980, n° 78-15.727 : JurisData n° 1980-099118) sans qu’il soit tenu compte de son décès ; Seul le délai d’appel sera interrompu (V. supra A/ 1 et 3).

II° À qui profite le régime protecteur de l’interruption de l’instance ?

Aucun acte, aucun jugement même passé en force de chose jugée, ne peut être obtenu lorsque l’instance est interrompue (CPC, art. 372). Seule la victime de l’évènement interruptif peut se prévaloir du caractère non avenu (Cass. 1re civ., 24 juin 2015, n° 14-13.436 : JurisData n° 2015-015341) à moins qu’elle décide de ratifier les actes passés.

L’interruption de l’instance arrête le cours du temps et emporte l’arrêt des délais de procédure. Par exemple, le délai imparti pour conclure au titre de l’article 908 du CPC se trouve interrompu par le décès (notifié) de l’appelant (Cass. 2e civ., 4 juin 2015, n° 13-27.218 : JurisData n° 2015-015341). Un nouveau délai courra pleinement à compter de la reprise d’instance.

L’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption (CPC, art. 392) qu’au profit des seuls ayants droit de la partie décédée. Cependant, la péremption est acquise au profit de toutes les parties à l’égard desquelles l’instance n’a pas été interrompue (Cass. 2e civ., 4 févr. 1999, n° 96-19.479 : JurisData n° 1999-000446 ; Procédures 1999, comm. 91, obs. R. Perrot). L’effet interruptif est limité aux seuls bénéficiaires de l’interruption alors que la péremption, si elle est acquise, a par nature un effet indivisible (R. Laffly : Procédures 2023, comm. 65).

Observation pratique : Sauf litige indivisible, les autres parties à l’instance doivent conduire « l’instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis » (CPC, art. 2). Autrement dit, non bénéficiaires de la protection de l’interruption de l’instance les autres parties doivent devant la cour d’appel, avant expiration des délais pour conclure, citer leur adversaire en reprise d’instance pour échapper notamment à la péremption d’instance.

Si le litige est indivisible, le profit de l’interruption de l’instance l’est aussi. À défaut d’indivisibilité du litige, les parties « vaillantes » doivent accomplir des diligences interruptives.

À noter qu’il est souvent très difficile de connaître l’état civil des ayants droit ou même les coordonnées du notaire chargé de la succession du défunt.

Sans compter que le notaire n’est pas tenu de renseigner des tiers sur les coordonnées des parties successibles.

La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 11 janvier 2023 (Cass. 1re civ., 11 janv. 2023, n° 20-23.679, FS-B : JurisData n° 2023-000031) rendu au visa de l’article 23 de la loi du 25 ventôse an XI qui réglemente l’organisation du notariat que « les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire), délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d’autres qu’aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d’une amende ».

Certes, le juge peut demander au ministère public de recueillir les renseignements nécessaires à la reprise d’instance (CPC, art. 376, in fine) mais en pratique ces diligences sont peu requises. La partie à l’instance s’expose donc à un risque procédural faute de pouvoir accomplir les actes nécessaires à la reprise de l’instance. La reprise de l’instance, qu’elle soit volontaire ou forcée, fait renaître les droits de la partie décédée lorsque l’action est transmissible.

C. – Retour à l’instance ou la résurrection de l’action

L’instance reprend son cours en l’état où elle se trouvait au moment de son interruption. Les actes antérieurement accomplis conservent leur efficacité.

Parfois l’impulsion est donnée par le juge qui n’est pas dessaisi par l’interruption de l’instance et dispose encore de prérogatives pour inviter les parties à accomplir des diligences, dans le délai imparti, sous peine de radiation (CPC, art. 376 et 381).

Parfois, l’impulsion émane des parties elles-mêmes qui ont un intérêt à ce que la procédure reprenne un cours normal vers la solution du litige.

Reprise de l’instance à l’initiative des bénéficiaires de l’interruption

L’article 373, alinéa 1 du CPC dispose que « l’instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense ».

En pratique, en procédure écrite, la reprise d’instance s’effectue par voie de conclusions. Les dispositions de l’article 783, alinéa 3, du Code de procédure civile prévoient même que sont recevables, après le prononcé de l’ordonnance de clôture, les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

Devant la cour d’appel, un acte de constitution aux fins d’intervention volontaire est requis avant ou concomitamment à la régularisation des conclusions offrant à l’intervenant un délai de 3 mois pour remettre ses conclusions au greffe (CPC, art. 910, in fine).

En procédure orale, la reprise peut être régularisée oralement à l’audience par une déclaration de reprise d’instance.

Il a même été jugé que l’intervention volontaire en reprise d’instance peut être concomitante à la notification du décès (Cass. 1re civ., 6 mars 2001, n° 98-19.297, F-P : JurisData n° 2001-008564 ; Procédures 2001, comm. 146, R. Perrot).

II° Reprise de l’instance provoquée par la partie non bénéficiaire de l’interruption

Dans cette hypothèse, la reprise s’opère par voie de citation, conformément aux dispositions de l’article 373, alinéa 2 du CPC. Devant la cour d’appel, l’intervenant forcé dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de 3 mois à compter de la date à laquelle la demande d’intervention formée à son encontre lui a été notifiée pour remettre ses conclusions au greffe – article 910 du CPC. Si l’appelé en cause ne comparaît pas pour reprendre l’instance initiale, je juge statue au fond conformément aux dispositions des articles 375, et 471 et suivants du CPC.

III° Divisibilité de la reprise d’instance

Plus précisément, la question s’est posée de savoir dans le cadre d’un litige divisible, si la reprise de l’instance pouvait s’opérer à l’initiative ou à l’égard d’un seul héritier ? Autrement dit, le juge peut-il statuer au fond alors que tous les héritiers n’ont pas repris l’instance ?

La Cour de cassation est revenue à une position plus sécure (Cass. 2e civ., 29 juin 1988, n° 87-15.171 : JurisData n° 1988-001084 ; Bull. civ. II, n° 161). Elle affirme désormais que la reprise a nécessairement un caractère indivisible considérant au visa des articles 373 et 376 du Code de procédure civile que dans le cas d’une instance interrompue et non reprise, le juge ne peut statuer au fond (Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-13.600 : JurisData n° 2009-049147).

À retenir

En cas de décès d’une partie, l’interruption de l’instance a pour effet d’arrêter le cours de la procédure, pendant un temps indéterminé.

Cette protection n’est prévue qu’au bénéfice des héritiers de la partie décédée qui entendent reprendre l’instance. Ceux-ci se retrouvent à l’abri de l’instance (par l’arrêt des délais) et de leurs adversaires qui ne peuvent valablement accomplir des actes ou obtenir un jugement pendant le temps de l’interruption.

Sauf cas d’indivisibilité du litige, les autres parties à l’instance demeurent exposées aux dangers de la procédure.

Il est conseillé de ne pas prendre l’initiative de dénoncer le décès d’une partie dont on ne serait pas successible pour ne pas s’exposer au risque d’une instance partiellement paralysée par les effets de l’interruption.

La recherche de l’identité et des coordonnées des héritiers d’une partie décédée peut s’avérer être un chemin de croix pour les parties à l’instance qui demeurent soumises et exposées aux risques de l’instance.

Force est de constater que la matière juridique a la capacité de transcender les lois de la nature en faisant revivre l’instance au décès d’une partie.

Lorsque l’action est par nature transmissible, le procès civil pourra reprendre vie malgré le destin funeste de l’un de ses protagonistes.

PROCÉDURES – N° 12 – DÉCEMBRE 2023 – © LEXISNEXIS SA

Publié par

Françoise BOULAN

Avocate associée

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