Fait preuve d’un formalisme excessif la cour d’appel qui prononce la caducité de la déclaration d’appel au motif que l’appelant a procédé à la signification du seul document en sa possession au lieu du fichier récapitulatif de l’acte d’appel généré par le greffe alors que celui-ci n’avait jamais été en possession de son avocat et que l’intimé avait ensuite constitué avocat et était donc informé de l’appel.
Civ. 2e, 27 mars 2025, F-B, n° 22-17.022
Le formalisme excessif serait une affaire de bon sens. Vite dit, mais c’est la deuxième chambre civile qui le dit, dans sa dernière Lettre de chambre de février 2025. Pourtant, on le verra avec cet arrêt, le bon sens procédural est à géométrie variable au point qu’il semble difficile de le normer. Saisi d’un incident de caducité par une société intimée sur l’appel de ses adversaires dirigé à l’encontre d’un jugement du tribunal de commerce, le conseiller de la mise en état de la Cour d’appel de Reims, pour écarter toute sanction, avait estimé que si les deux sociétés appelantes n’avaient pas signifié la déclaration d’appel telle qu’enregistrée par le greffe, c’est qu’elles n’avaient jamais réceptionné le fichier récapitulatif formalisant l’acte d’appel. Sur déféré, la Cour d’appel de Reims estima que s’il était constant qu’au jour de l’envoi de l’avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel faute de constitution d’intimé, conformément à l’article 902 du code de procédure civile, les sociétés appelantes ne disposaient pas du fichier récapitulatif, elles ne l’avaient pas non plus réclamé au greffe. L’acte d’appel généré par le greffe n’ayant pas été signifié dans le délai d’un mois de la réception de l’avis d’avoir à signifier, l’ordonnance déférée fut infirmée et la caducité prononcée. Le moyen du pourvoi exprimait en substance la caractérisation d’un formalisme excessif comme une restriction du droit d’accès au juge et une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme alors que la cour d’appel avait elle-même constaté que les sociétés appelantes s’étaient heurtées à des obstacles pratiques résidant dans l’absence de réception du document qu’il leur était reproché de ne pas avoir signifié. La réponse de la deuxième chambre civile est celle-ci :
« Vu l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 902, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : 4. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial. 5. Selon le second, la déclaration d’appel doit être signifiée à l’intimé défaillant dans le mois de l’avis adressé par le greffe, à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office. 6. Aux termes de l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message et ce récapitulatif tient lieu de déclaration d’appel, de même que leur édition par l’avocat tient lieu d’exemplaire de cette déclaration lorsqu’elle doit être produite sous un format papier. 7. Pour prononcer la caducité de l’appel formé contre le jugement du 16 juin 2020, l’arrêt relève que les appelantes ne disposaient pas du fichier récapitulatif, qu’elles ne l’ont pas réclamé et ont signifié à l’intimée le 15 février 2021, le document joint au message de données relatif à l’envoi de la déclaration d’appel par leur avocat au greffe, qui ne justifie pas de sa remise au greffe et que ni l’acte de signification ni les pièces remises à l’intimée n’établissent la remise de la déclaration d’appel au greffe, pourtant nécessaire pour que la déclaration d’appel acquière une telle valeur. 8. Il retient en outre que la caducité prévue par l’article 902 du code de procédure civile n’est pas encourue au titre d’un vice de forme de la déclaration d’appel mais de l’absence de signification d’une déclaration d’appel au sens de ce texte et de l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020 et que cette sanction n’est pas manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi, de bonne administration de la justice et de respect du principe de sécurité juridique, alors que les parties sont représentées par un avocat dans la procédure et que les dispositions applicables sont claires et prévisibles. 9. En statuant ainsi, alors qu’elle constatait, d’une part, que lorsque le greffe de la cour d’appel avait informé les appelantes que l’intimée n’avait pas constitué avocat dans le délai prescrit et leur avait demandé de procéder par voie de signification conformément aux dispositions de l’article 902, celles-ci ne disposaient pas du fichier récapitulatif à leur nom, dont l’envoi par le greffe est prévu par l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020, et avaient signifié le seul document qui était en leur possession, d’autre part, que l’intimée avait ensuite constitué avocat et avait ainsi été informée de l’acte d’appel, la cour d’appel a fait preuve d’un formalisme excessif et a violé les textes susvisés ».
Duo d’actes
Comprendre l’enjeu de la question posée, c’est revenir dans le passé. Aussi énigmatique que cela puisse paraître, on sait depuis longtemps maintenant que se côtoient deux actes d’appel : celui établi par l’avocat et adressé via RPVA à la cour, puis celui généré par le greffe, parfois quelques jours plus tard, sur lequel apparaissent le numéro de déclaration d’appel, le numéro de rôle et la chambre de distribution de l’affaire. Pour la Cour de cassation, seule la déclaration d’appel doit faire l’objet d’une signification à l’intimé non constitué, à l’exclusion de tout autre acte, la caducité de la déclaration d’appel ne constituant pas une sanction disproportionnée au regard de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme (Civ. 2e, 1er juin 2017, n° 16-18.212, Dalloz actualité, 29 juin 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 2192 , note G. Bolard ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ; RDP 2017, n° 07, p. 167, obs. O. Salati ). Disons-le en passant, à l’époque déjà le demandeur au pourvoi reprochait à la cour d’appel un formalisme excessif…
Mais du premier ou du second acte d’appel, encore fallait-il savoir de quel acte il s’agissait. Puisque l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 précisait que le récapitulatif, reprenant les données du message adressé par voie électronique par l’avocat de l’appelant, « tient lieu de déclaration d’appel », la deuxième chambre civile précisa que seul l’acte d’appel récapitulatif émis par le greffe devait être signifié (Civ. 2e, 15 nov. 2018, n° 17-27.424, D. 2019. 555, obs. N. Fricero ; Procédures 2019. Comm. 3, obs. H. Croze).
L’arrêt n’était pas publié mais le ver était dans le fruit. Et si pour Verlaine le ver est dans le fruit et le réveil dans le rêve, le réveil s’avérait d’autant plus douloureux que personne n’avait rêvé. Deux ans plus tard, la deuxième chambre civile confirmait en effet : « Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le document annexé aux actes de signification accomplis en application de l’article 902 du code de procédure civile consistait, non pas en un récapitulatif de la déclaration d’appel, émis en application de l’article 10 de l’arrêté susmentionné, mais en un document qui ne confirmait pas la réception par le greffe de l’acte d’appel, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit l’absence de signification de la déclaration d’appel et a constaté la caducité de celle-ci » (Civ. 2e, 22 oct. 2020, n° 19-21.978, Dalloz actualité, 27 nov. 2020, obs. C. Bléry ; D. 2020. 2123 ). Aussi, si l’avocat de l’appelant doit prendre uniquement en compte l’acte d’appel qu’il a formalisé par voie électronique pour calculer son délai pour conclure (Civ. 2e, 6 déc. 2018, n° 17-27.206, Dalloz actualité, 16 janv. 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 555, obs. N. Fricero ; JCP 11 févr. 2019, obs. R. Laffly), il doit considérer seulement le second lorsqu’il reçoit l’avis du greffe d’avoir à signifier la déclaration d’appel faute de constitution de l’intimé.
Hybride et hubris
Les choses étant posées, on comprend de la relation factuelle de l’arrêt de la Cour de Reims que les sociétés appelantes avaient fait signifier un acte hybride, qui n’était pas l’acte adressé par RPVA sur lequel n’apparaît pas, par définition, le numéro de rôle ni la chambre d’affectation, mais un avis de déclaration d’appel adressé par le greffe sur lequel figurait ce numéro de répertoire général, mais qui, s’il pouvait autoriser une constitution comme présentant des données suffisantes, n’était pas le fichier récapitulatif de la déclaration d’appel. Le délai d’un mois prévu par l’article 902 à peine de caducité avait été respecté puisque l’avis d’avoir à signifier avait été adressé par le greffe à l’avocat des appelantes le 18 janvier 2021 tandis que la signification était intervenue le 15 février 2021. Problème, avait été signifié « le document joint au message de données relatif à l’envoi de la déclaration d’appel par leur avocat au greffe », non pas le fichier récapitulatif généré par le greffe, reprenant les données du message sous forme de fichier au format XML et qui tient lieu de déclaration d’appel, prévu initialement par l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 et depuis abrogé par l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020 qui précise désormais : « Le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message. Ce récapitulatif accompagné, le cas échéant, de la pièce jointe établie sous forme de copie numérique annexée à ce message et qui fait corps avec lui tient lieu de déclaration d’appel, de même que leur édition par l’avocat tient lieu d’exemplaire de cette déclaration lorsqu’elle doit être produite sous un format papier » (à propos de l’arrêté, Dalloz actualité, 2 juin 2020, obs. C. Bléry).
Ce qui tient lieu de déclaration d’appel, c’est uniquement l’acte d’appel généré par le greffe et l’on comprend dès lors la sanction dégagée par la cour sur déféré, mue non pas par le goût de l’excès mais plutôt par l’évidence d’un arrêté technique comme d’une jurisprudence affirmée. Aussi, pour la cour d’appel, les pièces remises à l’intimée défaillante par voie de signification ne permettaient pas d’établir la remise de la déclaration d’appel au greffe alors que cette remise est nécessaire pour que la déclaration d’appel acquière une telle valeur tandis que la notification à l’intimée des conclusions des appelantes ne permettait pas de remédier à cette absence. Infirmant l’ordonnance de son conseiller de la mise en état et poursuivant, elle concluait que l’absence de signification d’une déclaration d’appel au sens de l’article 8 de l’arrêté du 20 mai 2020 devait conduire à la caducité de la déclaration d’appel tandis que « cette sanction n’apparaît pas manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi, de bonne administration de la justice et de respect du principe de sécurité juridique alors que les parties sont représentées par un avocat dans la présente procédure, pour laquelle les dispositions applicables, qui ont été précédemment rappelées, sont claires et prévisibles ». Voilà pour l’hubris de la cour d’appel.
Pourtant, la deuxième chambre civile prend le contre-pied et, bien loin de se placer sur la proportionnalité et la prévisibilité de la sanction, sanctionne l’excès de formalisme des juges d’appel en observant que les appelantes ne disposaient pas du fichier récapitulatif matérialisant l’acte d’appel au jour de la réception de l’avis du greffe d’avoir à signifier, autorisant une signification du seul acte en leur possession. À la lecture d’une telle motivation, vient à l’esprit une évidence et un questionnement.
À l’impossible nul n’est tenu, quoique
L’évidence est qu’il semble effectivement difficile de demander à une partie de signifier, à peine de caducité, un acte qu’elle ne possède pas. C’est une tautologie que de dire que l’accomplissement d’une formalité impossible n’est pas possible mais cela dit bien les choses, et l’on sait justement comment elles se terminent lorsque l’on impose à l’avocat une formalité (quasiment) impossible. L’arrêt Lucas fait figure d’étendard, ici dans le cas précis d’un recours en annulation d’une sentence arbitrale qui n’était pas prévu par le menu défilant du RPVA de sorte qu’il ne pouvait être demandé à l’avocat de le forcer en utilisant l’onglet le plus approchant, celui de la « déclaration de saisine », la Cour européenne concluant « que le requérant s’est vu imposer une charge disproportionnée qui rompt le juste équilibre entre, d’une part, le souci légitime d’assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d’autre part, le droit d’accès au juge » (CEDH 9 juin 2022, X. Lucas c/ France, n° 15567/20, §§ 42-44, Dalloz actualité, 16 juin 2022, obs. C. Bléry ; ibid. 13 juill. 2022, obs. J. Jourdan-Marques ; Le droit en débats, 28 juin 2022, obs. R. Laffly ; AJDA 2022. 1190 ; D. 2022. 2330, obs. T. Clay ; ibid. 2023. 571, obs. N. Fricero ; AJ fam. 2022. 353, obs. F. Eudier ; Dalloz IP/IT 2022. 352, obs. E. Nalbant ; Procédures déc. 2019. Comm. 320, obs. L. Weiller).
Si l’arrêt de cassation du 27 mars 2025 est notamment rendu au visa de l’article 6, § 1, de la Convention européenne et stigmatise la charge impossible au préjudice des appelantes caractérisant le formalisme excessif, il observe aussi « d’autre part, que l’intimée avait ensuite constitué avocat et avait ainsi été informée de l’acte d’appel ». Dit autrement, l’acte attendu n’était pas le bon, mais il n’avait pas empêché l’intimé de se constituer. Entre la rigueur d’une signification qui ne supporte qu’un acte d’appel précis et l’assurance que l’intimé a pu se constituer valablement, l’équilibre des intérêts en présence était sauf. On sait pourtant que la constitution de l’intimé n’est pas de nature à sauver l’appelant d’une irrégularité procédurale en amont, mais, en l’espèce, s’ajoutait aussi une condition, l’accomplissement mis à sa charge d’un acte impossible. Réellement impossible ?
Si l’évidence de la formalité impossible à accomplir devait former écho, on pouvait aussi se questionner sur l’attitude de l’avocat en pareille situation, certes assez rare en pratique, l’avocat de l’appelant disposant généralement très rapidement de l’acte d’appel généré par le greffe. Le moyen du pourvoi avançait un obstacle pratique résidant dans l’absence de sa réception mais, observant qu’un délai d’un mois lui était imposé à peine de caducité pour signifier un acte qu’il n’avait pas encore reçu, n’eut-il pas été plus simple de solliciter du greffe cette fameuse déclaration d’appel récapitulative ? Ce n’était pas si compliqué, et devant la preuve d’une telle demande insatisfaite auprès du greffe, personne n’aurait songé à sanctionner l’avocat d’avoir fait signifier le seul acte en sa possession. Les sociétés appelantes avaient d’ailleurs fait signifier le seul acte dont elles disposaient… en limite de délai. À l’impossible nul n’est tenu, mais avec un délai d’un mois devant soi, tout reste encore possible. Il n’était pas excessif de mettre ce temps-ci à profit.
Les excès du temps
Il fut un autre temps, aussi, où la Cour de cassation ne prenait pas autant de « pincettes » et, face à une telle situation, se serait sans doute interrogée sur l’attentisme d’un avocat qui, plutôt que de questionner le greffe, préfère signifier un acte qui n’est pas celui imposé, sans recours au formalisme excessif donc. Mais sanctionner l’excès est dans l’air du temps. Avec la procédure à jour fixe comme terrain expérimental. Sans même évoquer les derniers arrêts et leur lot de sanction ou d’entrave « disproportionnée », en cas de défaut de signature de la copie de l’ordonnance présidentielle jointe à l’assignation, c’est le formalisme excessif qui est retenu (Civ. 2e, 12 déc. 2024, n° 22-11.816, Dalloz actualité, 13 janv. 2025, obs. M. Barba ; RCJPP 2025, n° 01, p. 27, obs. D. Cholet ). La procédure « classique » n’est pas non plus en reste. Fut ainsi récemment sanctionné pour formalisme excessif l’arrêt qui confirmait le jugement motif pris que le dispositif des conclusions de l’appelant contenant une demande de réformation du jugement, s’adresse en réalité au tribunal, que celles-ci ne la saisissent donc d’aucune demande et que cette absence de demande adressée par les appelants à la juridiction d’appel équivaut à une demande de confirmation du jugement frappé d’appel (Civ. 2e, 3 oct. 2024, n° 22-16.223 F-B, Dalloz actualité, 23 oct. 2024, obs. R. Laffly; D. 2025. 652, chron. C. Bohnert, C. Cardini, S. Ittah, C. Brouzes, C. Dudit et M. Labaune ; AJ fam. 2024. 539, obs. F. Eudier ). Et face au refus parfois de certaines cours de statuer, la deuxième chambre civile avait précédemment sévi, sans encore pointer du doigt l’excès, en cas d’erreur manifeste affectant seulement la première page des conclusions, d’une absence de l’intitulé « Discussion » pour annoncer la discussion dans des conclusions, voire d’une discussion insuffisamment structurée (Civ. 2e, 29 sept. 2022, n° 21-16.220, Dalloz actualité, 17 nov. 2022, obs. R. Laffly ; 8 sept. 2022, n° 21-12.736 F-B, Dalloz actualité, 13 oct. 2022, obs. R. Laffly ; D. 2022. 1600 ; ibid. 2023. 571, obs. N. Fricero ; AJDI 2022. 775 ; 29 juin 2023, n° 22-14.432 F-B, Dalloz actualité, 13 sept. 2023, obs. R. Laffly ; D. 2023. 1268 ; ibid. 2024. 613, obs. N. Fricero ; Procédures 2023. Comm. 264, obs. S. Amrani-Mekki). Autant d’exemples où le formalisme dont avaient fait preuve ces cours eût mérité d’être qualifié d’excessif.
Mais l’idée était en mouvement et le temps faisait son oeuvre. Car lorsqu’il est question de formalisme excessif, la Cour européenne n’est pas très loin non plus pour sanctionner la France comme l’illustrent ses dernières interventions. Ainsi la Cour de cassation commet un excès de formalisme en déclarant irrecevable le pourvoi qui avait annexé un mauvais jugement de première instance et n’avait corrigé son erreur que postérieurement au délai de dépôt du mémoire ampliatif (CEDH 21 nov. 2024, n° 78664/17, Dalloz actualité, 3 déc. 2024, obs. A. Victoroff ; AJDA 2024. 2198 ; ibid. 2025. 184, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2025. 505, obs. N. Fricero ). Quand ce n’est pas le gouvernement français lui-même qui reconnaît, devant la Cour européenne, le formalisme excessif de ses juridictions internes, cette fois à propos de l’annexe à la déclaration d’appel (CEDH 3 oct. 2024, n° 33851/23, Dalloz actualité, 20 nov. 2024, obs. R. Laffly).
Comme le concède la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans sa Lettre de chambre n° 14 de février 2025, elle a dû adopter un contrôle de proportionnalité, in abstracto et in concreto, afin d’appréhender le formalisme excessif qui est, toujours selon elle, « affaire de bon sens » ! C’est donc le bon sens qui doit guider le juge, arbitre d’intérêts parfois antagonistes et de règles processuelles imposant des règles du jeu et donc, inévitablement, un certain formalisme.
Mais, si le formalisme excessif a pu sauter aux yeux dans certains arrêts, on peut comprendre, on le voit, que la Cour d’appel de Reims ait pu les fermer. La conjugaison des conditions in abstracto et in concreto n’est pas toujours aisée, surtout lorsque l’on définit le bon sens comme la capacité à bien juger…
L’effet de balancier doit conduire à un équilibre entre un trop et un pas assez. La Cour de cassation est sans doute allée trop loin dans l’excès de formalisme, et elle a su revenir sur ses pas pour sanctionner maintenant celui de certaines cours d’appel. L’avenir dira quel est le point d’équilibre. Car au risque d’une absence de lisibilité, il faut savoir jusqu’où aller trop loin.
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