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Fin de non-recevoir. Appel d’une ordonnance du juge de la mise en état et recevabilité du pourvoi

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Publié le 31.01.2025

Solution

La cour d’appel qui rejette, dans son dispositif, une fin de non-recevoir sans se prononcer, dans un chef de dispositif distinct, sur la question de fond relative au régime de responsabilité applicable ayant conduit à ce rejet, n’a pas tranché une partie du principal, ni mis fin à l’instance.

Impact

Le pourvoi immédiat est fermé contre l’arrêt de la cour d’appel qui confirme, purement et simplement, l’ordonnance du juge de la mise en état qui a écarté une fin de non-recevoir.

Cass. 3e civ., 17 oct. 2024, n° 22-20.223, FS-B : JurisData n° 2024-018497

[…]

Vu les articles 606, 607, 608 et 789 du Code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, les jugements en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent être frappés de pourvoi en cassation comme les jugements qui tranchent en dernier ressort tout le principal.

6. Selon le deuxième, peuvent également être frappés de pourvoi en cassation, les jugements en dernier ressort qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l’instance.

7. Selon le troisième, hors les cas spécifiés par la loi, les autres jugements en dernier ressort ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond.

8. Selon le dernier de ces textes, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statue sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement.

9. Il est jugé que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif (Ass. plén., 13 mars 2009, pourvoi n 08-16.033, publié) et que les motifs d’un jugement, fûssent-ils le soutien nécessaire du dispositif, n’ont pas l’autorité de la chose jugée (2ème Civ., 12 février 2004, pourvoi n 02-11.331, publié).

10. Il en résulte qu’un jugement, rendu en dernier ressort, qui statue sur une fin de non-recevoir sans mettre fin à l’instance, n’est pas susceptible d’un pourvoi indépendamment de la décision se prononçant sur le fond, sauf s’il statue, dans son dispositif, sur la question de fond dont l’examen préalable est nécessaire pour trancher la fin de non-recevoir, par une disposition distincte, tranchant ainsi une partie du principal.

11. Dès lors, l’arrêt confirmant l’ordonnance d’un juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir tirée de la prescription sans se prononcer, dans un chef de dispositif distinct, sur la question de fond relative au régime de responsabilité applicable ayant conduit à ce rejet, ne peut être frappé de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond.

12. M. B. s’est pourvu en cassation contre un arrêt, qui, confirmant une ordonnance du juge de la mise en état, rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de M. et Mme C.

13. Cet arrêt, qui rejette, dans son dispositif, une fin de non-recevoir sans se prononcer, dans un chef de dispositif distinct, sur la question de fond relative au régime de responsabilité applicable ayant conduit à ce rejet, n’a pas tranché une partie du principal, ni mis fin à l’instance.

14. En conséquence, le pourvoi n’est pas recevable […].

NOTE : Issue de secours.

Voilà une solution qui pouvait être devinée mais qui nécessita tout de même, preuve peut-être du contraire, l’intervention de la 2e chambre civile sollicitée pour avis par la 3e chambre civile de la Cour de cassation qui reprend, dans cet arrêt du 17 octobre 2024, sa motivation (Cass. 2e civ., avis, 4 juill. 2024, n° 22-20.223, FS-D). Cet arrêt eut mérité de venir de la 2e chambre civile, bien que finalement rendu avec son aimable concours, tant il percute deux notions, celle d’instance au regard de la recevabilité du pourvoi en cassation et celle des décisions qui ne tranchent pas une partie du principal lorsque le juge statue sur une fin de non-recevoir.

Si l’article 606 du CPC dispose que « les jugements en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent être frappés de pourvoi en cassation comme les jugements qui tranchent en dernier ressort tout le principal », l’article 607 tempère : « peuvent également être frappés de pourvoi en cassation les jugements en dernier ressort qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l’instance ». Soit, mais de quelle instance s’agit-il ? La Cour peut avoir statué « sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident » à la suite d’un appel d’une ordonnance du juge de la mise en état, comme en l’espèce dans laquelle il avait rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action, mais aussi sur déféré après qu’un incident a été formé devant le conseiller de la mise en état. Dans les deux cas, si la cour d’appel confirme l’ordonnance du juge de la mise en état ou du conseiller de la mise en état ayant écarté l’incident, le réflexe premier est d’envisager le pourvoi en cassation. Or, lorsque le texte évoque « l’instance », ce n’est pas l’instance d’appel stricto sensu qu’il faut prendre en considération mais bien l’instance au fond qui nécessite d’être appréciée dans sa globalité. Est-ce que cet arrêt de la cour d’appel met fin à l’instance au fond ? Répondre à cette question c’est envisager la recevabilité du pourvoi. Si, confirmant l’ordonnance du juge de la mise en état, l’affaire se poursuit devant le tribunal, alors le pourvoi immédiat est irrecevable. Si l’arrêt sur déféré confirme l’ordonnance du conseiller de la mise en état qui a écarté l’incident, alors le pourvoi ne peut être introduit qu’avec l’arrêt à intervenir au fond et il en est de même si, bien que retenant l’exception de procédure, la fin de non-recevoir ou tout autre incident, l’arrêt sur déféré a mis fin à l’instance devant la cour d’appel sans mettre fin à celle conduite en première instance. Le droit au pourvoi est alors différé. L’unique option est celle-ci : former un pourvoi contre cet arrêt avec l’arrêt au fond qui sera rendu à la suite de l’appel interjeté de la décision au fond ou régulariser immédiatement un pourvoi-nullité si l’arrêt est entaché d’un excès de pouvoir. Déjà, au visa des mêmes articles 606, 607, 608 du CPC, la 2 e chambre civile avait pu rappeler que « le pourvoi dirigé contre un arrêt qui n’a pas statué au fond, n’a pas mis fin à l’instance et n’est pas entaché d’excès de pouvoir, n’est pas recevable » (Cass. 2 e civ., 17 mars 2016, n° 15-12.323. – Cass. 2 e civ., 7 juin 2018, n° 17-19.961. – Cass. 2 e civ., 16 déc. 2021, n° 19-26.243, F-B : JurisData n° 2021-020371 ; Procédures 2022, comm. 32, obs. R. Laffly).Au cas présent, dès lors que la cour d’appel confirmait l’ordonnance du juge de la mise en état qui avait écarté la prescription, l’affaire se poursuivait devant le tribunal judiciaire et aucun pourvoi ne pouvait être dans la foulée tenté. Il en serait allé différemment si, infirmant l’ordonnance, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait accueilli la fin de non-recevoir, voire tranché une partie du principal. Prescrite, l’action ne pouvait se poursuivre devant le tribunal. Vient alors la problématique spécifique de l’article 789 du CPC, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1 er janvier 2020, et donc de cette possibilité, nouvelle depuis le 1 er janvier 2020, pour le juge de la mise en état de statuer sur une fin de non-recevoir, ce qui nécessite souvent que soit tranchée au préalable une question de fond. Sauf renvoi à la formation de jugement du tribunal, il statue alors surla question de fond et surla fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement. Mais face à cette injonction et à l’obligation d’examiner préalablement le fond pour trancher la fin de non-recevoir, un juge peut dégager une seule et même solution tout en rédigeant différemment. Le juge de la mise en état ou le juge d’appel peut, au dispositif de sa décision qui a seul autorité de chose jugée, comme l’ont rappelé sans surprise l’avis de la 2 e chambre civile et l’arrêt de 3 e chambre civile tant la chose est devenue certaine, soit préciser seulement que la fin de non-recevoir est écartée, soit trancher une partie du principal tout en l’écartant. Dans le premier et le deuxième cas, l’irrecevabilité de l’action écartée ne met pas fin à l’instance, et dans le second il tranche en plus une partie du principal, ouvrant à chaque fois, sous l’empire de cette rédaction de l’article 789, la voie de l’appel immédiat puisque le juge de la mise en état a bien statué sur une fin de non-recevoir, quand bien même il aurait dans le même temps tranché au préalable une question de fond au sens de l’article 795, 2° du CPC. Dans un contentieux de construction comme l’illustre le présent arrêt, c’est par exemple statuer, au dispositif de la décision, sur le caractère biennal, décennal ou contractuel des désordres et écarter la fin de non-recevoir liée à la tardiveté de l’action. Aussi, si l’ordonnance du juge de la mise en état n’avait fait en l’espèce qu’écarter la fin de non-recevoir sans trancher une partie du principal, l’appel était donc immédiatement ouvert. Mais l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui rejetait la fin de non-recevoir sans se prononcer, dans un chef de dispositif distinct, sur la question de fond relative au régime de responsabilité applicable ayant conduit à ce rejet, n’avait ni tranché une partie du principal, ni mis fin à l’instance. La voie du pourvoi était fermée.

Intégralité du commentaire disponible sur www.lexis360intelligence.fr

PROCÉDURES – N° 02 – FÉVRIER 2025 – © LEXISNEXIS SA

Publié par

Romain LAFFLY

Avocat associé

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