Signification de la déclaration de saisine : parce qu’elle le vaut bien
Sur renvoi après cassation, la caducité n’est pas encourue si c’est la déclaration de saisine établie et remise au greffe par voie électronique qui est signifiée à l’intimé et non celle récapitulative générée par le greffe.
Civ. 2e, 24 mars 2022, F-B, n° 20-12.210
La déclaration de saisine dispose-t-elle d’un traitement de faveur ? Déboutée de sa demande de caducité de la déclaration de saisine par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 14 mars 2019, une partie forme un pourvoi. Observant que c’était la déclaration de saisine générée par e-barreau qui avait été signifiée, elle soutenait, au visa de l’article 1037-1 du code de procédure civile, que seule la déclaration de saisine émanant du greffe, renvoyée par RPVA à l’avocat de l’auteur de la saisine, pouvait être signifiée aux parties à l’instance à l’exclusion de tout autre acte. Le pourvoi est rejeté par la deuxième chambre civile qui adopte la solution suivante :
« 6. En l’absence de dispositions particulières, notamment dans l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel, régissant la signification par son auteur aux autres parties à l’instance de la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi après cassation, ce dernier satisfait à l’obligation qui lui incombe, en application de l’article 1037-1 du code de procédure civile, en signifiant la déclaration de saisine qu’il a établie et remise au greffe.
7. Ayant constaté qu’avait été signifié, les 25 et 26 avril 2018, par l’auteur de la déclaration de saisine aux autres parties de l’instance, le message d’origine, matérialisé sous un format papier, dont il n’était pas contesté qu’il comportait toutes les mentions prescrites par les dispositions de l’article 1033 du même code, c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a décidé que refuser toute validité à une telle signification serait, en tout état de cause, de nature à constituer une atteinte disproportionnée aux droits du déclarant de saisir la juridiction de renvoi. »
La racine du problème
L’appréhension du traitement informatique des déclarations d’appel et des déclarations de saisine est une histoire d’arrêtés. On a vu récemment, avec la saga de l’annexe à la déclaration d’appel introduite par l’arrêt de la deuxième chambre civile (Civ. 2e, 13 janv. 2022, n° 20-17.516, Dalloz actualité, 20 janv. 2022, obs. R. Laffly ; D. 2022. 325 , note M. Barba ; ibid. 625, obs. N. Fricero ; AJ fam. 2022. 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra ; Rev. prat. rec. 2022. 9, chron. D. Cholet, O. Cousin, M. Draillard, E. Jullien, F. Kieffer, O. Salati et C. Simon ), à quoi pouvait ressembler une déclaration d’appel et combien un arrêté pouvait changer la vie des avocats, notamment lorsqu’il est destiné à sauver les procédures en cours (décr. n° 2022-245 et arrêté du 25 févr. 2022, Dalloz actualité, 3 mars 2022, obs. C. Lhermitte ; ibid., 3 mars 2022, obs. F.-X. Berger ; ibid., 8 mars 2022, obs. N. Fricero). L’arrêté du 25 février 2022 a modifié l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel (Dalloz actualité, 2 juin 2020, obs. C. Bléry), lequel avait fusionné les arrêtés du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique en procédure sans représentation obligatoire et du 30 mars 2011 pour les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel et depuis abrogés. Mais un arrêté n’est pas toujours providentiel et il arrive la plupart du temps qu’il soit au contraire à l’origine d’une vie procédurale plus compliquée, particulièrement lorsqu’il débouche sur une sanction de caducité.
Car pour comprendre cet arrêt novateur et le sens d’un pourvoi qui autorisait un espoir autre que celui d’un rejet, il faut le mettre en perspective avec les péripéties de la déclaration d’appel et de l’arrêté du 30 mars 2011. Celui-là même qui conduisit la Cour de cassation à proposer une solution diamétralement opposée à celle dégagée par son arrêt du 23 mars 2022 pour les déclarations de saisine.
La solution 2 en 1
Par un premier arrêt, la deuxième chambre civile jugea en effet que seule la déclaration d’appel doit faire l’objet d’une signification à l’intimé non constitué à l’exclusion de tout autre acte tandis que la caducité de la déclaration d’appel, qui à défaut doit être prononcée, ne constitue pas une sanction disproportionnée au regard de l’article 6, § 1er, de la convention européenne des droits de l’homme (Civ. 2e, 1er juin 2017, n° 16-18.212, Dalloz actualité, 29 juin 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 2192 , note G. Bolard ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ). Restait alors à savoir ce qu’est une déclaration d’appel dès lors qu’un premier acte d’appel est formalisé par l’avocat via la plateforme e-barreau puis transmis au greffe par voie électronique et qu’un second, dit récapitulatif, est édité par le greffe reprenant les données du message sous forme d’un fichier au format XML prévu par l’arrêté du 30 mars 2011. En clair, la déclaration d’appel dite récapitulative retraitée par le greffe et qui est adressée par RPVA à l’avocat de l’appelant et à l’intimé par lettre simple précise, seule par définition, les numéros de déclaration d’appel (DA), de rôle (RG) et la chambre devant laquelle l’affaire est distribuée.
Deux déclarations d’appel pour le prix d’une, mais un prix fort parfois à payer. Car toute la difficulté provient de la coexistence de ces deux déclarations d’appel, qui sont bien des actes à part entière puisqu’ils génèrent des obligations différentes. La Cour de cassation estime en effet que le point de départ du délai imparti à l’appelant pour conclure à peine de caducité court non pas à compter de l’édition par le greffe du fichier récapitulatif reprenant les données du message de l’avocat de l’appelant mais à la date à laquelle celui-ci a adressé son acte d’appel au greffe par RPVA dans les conditions de l’article 748-3 du code de procédure civile (Civ. 2e, 6 déc. 2018, n° 17-27.206, Dalloz actualité, 16 janv. 2019, obs. C. Bléry ; D. 2019. 555, obs. N. Fricero ; JCP n° 6, 11 févr. 2019, obs. R. Laffly). Et la précision revêt toute son importance lorsque l’on sait que les dates d’envoi de l’acte d’appel via e-barreau puis de son enregistrement par le greffe, parfois quelques jours plus tard, ne coïncide pas nécessairement... Mais face à l’obligation de signifier la déclaration d’appel à l’intimé non constitué par application des articles 902 ou 905-1 du code de procédure civile, on épousera la solution opposée ! Dans ce cas, seule la déclaration d’appel récapitulative retraitée par le greffe qui doit être signifiée à peine de caducité. La solution prend appui cette fois sur l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011 : « Le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message. Ce récapitulatif tient lieu de déclaration d’appel, de même que son édition par l’auxiliaire de justice tient lieu d’exemplaire de cette déclaration lorsqu’elle doit être produite sous un format papier » (Civ. 2e, 15 nov. 2018, n° 17-27.425, Procédures 2019. Comm. 3, obs. H. Croze). L’article 10 est devenu l’article 8 avec l’arrêté du 20 mai 2020 ; il est désormais libellé ainsi : « Le message de données relatif à une déclaration d’appel provoque un avis de réception par les services du greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message. Ce récapitulatif accompagné, le cas échéant, de la pièce jointe établie sous forme de copie numérique annexée à ce message et qui fait corps avec lui tient lieu de déclaration d’appel, de même que leur édition par l’avocat tient lieu d’exemplaire de cette déclaration lorsqu’elle doit être produite sous un format papier. »
Et quand bien même l’acte signifié préciserait l’ensemble des mentions de la déclaration d’appel de nature à permettre une constitution de l’intimé, s’il n’est pas celui prévu à l’arrêté précité, la caducité est encourue. Ainsi, « ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que le document annexé aux actes de signification accomplis en application de l’article 902 du code de procédure civile consistait, non pas en un récapitulatif de la déclaration d’appel, émis en application de l’article 10 de l’arrêté susmentionné, mais en un document qui ne confirmait pas la réception par le greffe de l’acte d’appel, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit l’absence de signification de la déclaration d’appel et a constaté la caducité de celle-ci » (Civ. 2e, 22 oct., n° 19-21.978, Dalloz actualité, 27 nov. 2020 , obs. C. Bléry ; D. 2020. 2123 ). L’arrêt du 15 novembre 2018 n’était pas publié, celui-ci si.
La solution qui décoiffe
Où le lecteur s’aperçoit que, par capillarité, comme il existe deux déclarations d’appel, il existe aussi deux déclarations de saisine. Magie du RPVA, à l’instar de la déclaration d’appel, la déclaration de saisine envoyée par l’avocat depuis la plateforme e-barreau débouche sur une nouvelle déclaration de saisine retraitée par le greffe et là encore enregistrée parfois à une date différente. Le risque reste toujours réel puisque, entre ses mains, l’avocat dispose de deux actes. Facile, le lecteur attentif dira qu’il connaît donc la solution : la déclaration de saisine qui doit être signifiée, à peine de caducité, par application de l’article 1037-1, alinéa 2, dans les dix jours de la notification par le greffe de l’avis de fixation doit être celle générée par le greffe. Et bien pas du tout ! Ce serait trop simple, la réciprocité n’est pas vraie et c’est à s’arracher les cheveux.
Car par cet arrêt dédié cette fois aux déclarations de saisine, la deuxième chambre civile précise qu’il n’existe aucune disposition, comme pour les déclarations d’appel dans l’arrêté du 30 mars 2011, permettant de conclure à l’obligation de signifier la déclaration de saisine récapitulative transmise par le greffe. Pour valider la possibilité d’une signification de la déclaration de saisine non retraitée par le greffe, la deuxième chambre civile observe qu’en l’espèce le message d’origine, matérialisé sous un format papier, comportait toutes les mentions prescrites par les dispositions de l’article 1033 du même code : « la déclaration contient les mentions exigées pour l’acte introductif d’instance devant cette juridiction ; une copie de l’arrêt de cassation y est annexée ». Le déclarant-saisissant peut, sur renvoi après cassation, signifier la déclaration de saisine qu’il a
« établie et remise au greffe ». La solution reste d’actualité puisque l’arrêté du 20 mai 2020, modifié par l’arrêté du 25 février 2022, ne traite pas plus de la déclaration de saisine que ne le faisait l’arrêté du 30 mars 2011. Quant à la pratique, elle enseigne que si, de facto là encore, aucun numéro de rôle et de chambre d’affectation n’est renseigné sur les déclarations de saisine adressées par voie électronique – ce qui ne facilite donc pas la constitution si seul cet acte est signifié – celles générées par le greffe de certaines cours d’appel sont parfois laconiques. Pas d’uniformisation en la matière et, selon les cours, des déclarations de saisine reprennent le format exact et complet des déclarations d’appel, tandis que d’autres ne visent pas la moindre adresse des parties ou les chefs de jugement critiqués, prévus en ce cas à peine de nullité au regard de l’article 1033 qui renvoie à l’acte introductif devant la cour d’appel. Si la caducité n’est pas encourue dès lors que c’est la déclaration de saisine adressée par RPVA qui est signifiée, ce n’est pas pour autant, en l’absence de texte justement, que la déclaration de saisine récapitulative du greffe qui serait signifiée déboucherait sur cette sanction. Mais il faut parfois être mieux-disant en procédure civile et l’on préconisera une signification des deux actes, celui émis par RPVA qui, on l’a vu, est parfois le plus complet, et celui généré par le greffe qui le complétera utilement de certaines mentions (RG, chambre d’affectation) facilitant la constitution. Mater salutis caute. Toutefois, au risque de couper les cheveux en quatre, n’allons pas en déduire que pour la déclaration de saisine, la solution est toujours inverse à celle de la déclaration d’appel : s’agissant des conclusions, c’est bien la date d’envoi de la déclaration de saisine par RPVA qui déclenche le délai de deux mois pour conclure, pas celle de son enregistrement par le greffe.
L’arrêt le dit enfin « c’est sans encourir les griefs du moyen que la cour d’appel a décidé que refuser toute validité à une telle signification serait, en tout état de cause, de nature à constituer une atteinte disproportionnée aux droits du déclarant de saisir la juridiction de renvoi », ce qui a, il faut le reconnaître, une résonnance particulière lorsque l’on sait que la même chambre jugeait quelques années auparavant par l’arrêt précité du 1er juin 2017, certes rendu au visa de l’article 10 de l’arrêté du 30 mars 2011, que la signification de tout autre acte différent de celui généré par le greffe conduisait à la sanction de caducité, laquelle « ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel avec représentation obligatoire, et n’est pas contraire aux exigences de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Dans les deux cas pourtant, il s’agissait du droit d’accès au juge. En procédure civile, la (sé)vérité d’un jour n’est pas toujours celle du lendemain.
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